• Qu'un professeur et son élève montrent un intérêt sincère et partagé pour la matière qui les réunit, c'est un bonheur rare. Nous sommes quelques uns à la fac de lettres de l'ULB à y avoir goûté ces derniers mois, à la faveur d'un travail d'édition original et exaltant. "Rops épistolier", c'était l'intitulé du "Séminaire de fin de cycle" qui devait mettre un point final à nos trois ans de bachelier...

    La réputation de Félicien Rops, "peintre-graveur-dessinateur", n'est plus à faire. Provocateur sulfureux ou subtil charmeur, le Namurois n'a laissé personne indifférent dans les Paris et Bruxelles du XIXe siècle. Et il n'y a pas trois jours encore, je croisais sa fière Pornocratès promenant son cochon avenue Buyl (jetez un oeil à côté du Stubbe si vous ne me croyez pas!) Pourtant, une partie importante de son oeuvre demeure méconnue du grand public — et pour cause, ces oeuvres ignorées ne sont pas des frontispices, des lithographies, encore moins des tableaux: il s'agit de lettres. L'homme avait la plume facile et le verbe acerbe; et comme tout mondain de son temps, il distribuait les missives comme des petits pains. Et aujourd'hui des milliers de lettres d'une qualité littéraire et d'un intérêt historique certains encombrent les archives; il ne manque que le travail des éditeurs pour les rendre accessibles.

    Or, le travail est déjà entamé. Une gageure de fourmi dont le Musée Félicien Rops (Province de Namur) et l'asbl "Les amis du Musée Rops" ont pris notamment la responsabilité, avec pour objectif final de publier en ligne l'intégralité des lettres transcrites, annotées et accompagnées d'un fac simile. C'est en collaboration avec le comité scientifique du musée qu'il nous a été offert d'apporter notre grain de sable à l'édifice en faisant pour quelques semaines l'expérience du métier d'éditeur.

    Le travail a rapidement pris l'allure d'un jeu de piste transposé un peu plus d'un siècle en arrière. Rops écrit-il à son ami Edmond Picard qu'"un de [s]es amis_ venu p[ou]r la fête Nationale remettra chez [lui] la Grève_ & la Petite Dame_", et nous voici à la recherche de ce mystérieux ami et des mystérieux dessins qu'il doit transporter. Quelques fois, le labyrinthe est sans issue, d'autres fois la bonne surprise est au tournant; dans tous les cas c'est un parcours semé de rencontres humaines et passionnées, qui ne nous laissera plus jamais voir une bibliothèque du même oeil! Enquêtes dans les vieux magasins du centre-ville (à la recherche par exemple, d'un encadreur bruxellois actif dans les années 1870), plongeon dans les archives des plus diverses institutions, pèlerinages pour Namur, coups de fil pour la capitale française... On voit du pays. Qui a dit que les études littéraires sentaient la poussière?

    Du reste bien sûr, notre contribution, à l'échelle des plus de 4000 lettres à éditer, demeurera anecdotique... Un petit pas pour l'humanité, mais un grand pas pour l'homme, en quelque sorte. Mais ne perdez pas de vue l'adresse au bas de cette page, car le jour où le magnifique travail d'édition du Musée Rops sera achevé, on y trouvera de l'or.

    http://www.ropslettres.be/

    Maxime Godfrind

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