• Acteurs incontournables de l’actualité économique depuis 2008, Standard & Poor’s, Moody’s et Fitch défrayent la chronique. Que ce soit au sujet de produits hypothécaires structurés aux USA ou de papiers souverains en Europe, les critiques à l’encontre de ces agences "toute-puissantes" en provenance de l’opinion publique, des médias ou des plus hautes instances politiques ne manquent pas. A un tel point qu’émergent des pressions politiques pour créer une agence de notation européenne. La Banque Centrale Européenne pourrait vraisemblablement remplir cette fonction en évaluant elle-même la valeur des obligations souveraines en zone euro. Il est vrai que le fonctionnement des agences de notation soulève plusieurs critiques justifiées. Une telle initiative s’apparente cependant à un écran de fumée.

    Le premier grief justifié à l’encontre des agences de notation est la liberté qui leur est offerte de donner une opinion sur la qualité d’un émetteur de titres financiers sans sollicitation de la part de ce dernier. Cette particularité leur donne en effet le moyen d’émettre un avis peu reluisant en représailles au choix d’un client d’utiliser les services d’une agence concurrente.

    Deuxième grief, ces agences sont un terreau fertile pour les conflits d’intérêts. Que ce soit du côté de leurs structures actionnariales, composées principalement de grands fonds d’investissement soumis à la tentation d’augmenter leurs performances en manipulant les notations. Mais aussi du côté de leur rémunération. Car celle-ci provient directement des institutions désireuses d’obtenir une note, de sorte qu'un biais de complaisance sous-estimant le risque d’un émetteur n’est pas improbable.

    Toutefois, la vision omniprésente dans les colonnes des périodiques de tous bords est que le pouvoir des agences de notation serait tel que ces dernières l’utiliseraient pour "descendre froidement" un Etat souverain dans l’attente de profits financiers significatifs. Cette vision populaire, médiatique mais aussi politique souffre de plusieurs faiblesses.

    Premièrement, une notation ne représente qu’une opinion, il serait donc plus juste de blâmer celui qui l’utilise à mal - si tant est que ce soit le cas - plutôt que celui qui l’émet. Libre à vous d’utiliser votre couteau de cuisine pour poignarder votre voisin, cependant, s’il survit, sa rancœur se dirigera probablement vers vous et non vers le fabricant dudit couteau.

    Deuxièmement, l’utilisation faite des notations par les institutions financières est exagérée. Ces dernières développent en effet des modèles de risques internes bien plus complexes que les notes des agences. Il est toutefois exact que la popularité des notations n’a cessé de grandir depuis deux décennies, mais le coupable est à chercher du côté du régulateur bancaire qui s’est largement reposé sur les agences et leurs notes de crédit pour élaborer et implémenter ses textes.

    Troisièmement, l’influence qui est prêtée aux agences sur les fondamentaux économiques est galvaudée. L’étude du cas espagnol est parlante à cet égard. Aux cours des deux derniers mois, l’Espagne a vu sa note rabaissée de trois crans – fait rare sur les marché et indicateur de troubles sérieux. Cependant, le fait que le taux d’emprunt espagnol n’ait pas attendu la décision de Standard & Poor’s, Moody’s ou Fitch pour s’envoler, met en lumière le caractère plus "suiveur" que proactif de ces agences.

    Quoi qu’il en soit, des instances de haut niveau, telles que la BCE, projettent de court-circuiter les agences en donnant leurs propres évaluations des obligations souveraines de la zone euro. On peut douter du bien-fondé de ce genre d’initiative, dès lors que l’usage qui est fait d’un rating dépend de sa crédibilité. Or, une notation souveraine provenant de laBCE pourrait souffrir d’une mauvaise réputation, puisqu’elle serait perçue comme une auto-évaluation à l’impartialité douteuse.

    Pour contourner ce désavantage, le régulateur pourrait obliger les établissements financiers à utiliser les évaluations de la BCE. Une telle décision serait cependant néfaste pour les banques européennes vis-à-vis des banques internationales. En effet, puisque la BCE est engagée dans des opérations qui visent à abaisser les taux d’emprunts européens, notamment en achetant la dette des Etats qui ne trouve pas preneurs sur les marchés. Cette initiative pourrait donc être perçue comme un moyen parmi d'autres de faciliter l’emprunt souverain en zone euro, ce qui augmenterait probablement la défiance des banques internationales envers les établissements européens jugés plus risqués.

    Jason Vassaux

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