• Pauvre ville de Charleroi! De mémoire d’étudiant, jamais une ville belge n'aura souffert d'une aussi mauvaise presse. Tantôt accusée pour sa mauvaise gouvernance, tantôt rebaptisée Chicago-sur-Sambre, tantôt promue au rang très peu convoité de "plus laide ville au monde", Charleroi n'est jamais tombée aussi bas. En un coup, il y a eu un réel acharnement médiatique. Charleroi, c'était la bête noire! Un bouillon de mauvais ingrédients. A en croire la presse, tout ce qu'il ne fallait pas faire, s'y est fait...

    La ville semble être maudite et ses habitants à plaindre. Comment voulez-vous qu'après une telle mise à sac, elle puisse redorer son image... Pas étonnant d'ailleurs que "Charleroi" soit devenue la bonne plaisanterie, mise à toutes les sauces, lancée lors d'un bon repas entre amis:

    -       Attention! Il vient de Charleroi!

    -       And so what my dear? Comme si…

    Car oui! Les vrais Carolorégiens (dont je fais partie) vous diront qu'ils aiment leur ville. C'est ce presque sentiment de fierté qui fait que Charleroi bouge (encore) malgré les virulentes critiques. N’a-t-on jamais pensé en outre que Charleroi pouvait grandir à être tant décriée? Telles les stars: parlez-en en bien, parlez-en en mal, mais parlez-en!

    A Charleroi, les mentalités vont assurément devoir changer. C’est un préalable à tout redressement. Sans quoi, la ville risque de s’engouffrer davantage. Les édiles sont souvent pointés du doigt. Pourtant, ce sont les Carolos eux-mêmes les premiers responsables. Ils ont peut-être, dans une trop grande mesure, abandonné leur ville et n’ont pas voulu, ensemble, la repenser et la recolorer au moment opportun. Sans oublier l’attitude passive dans laquelle certains se sont perdus. Un paternalisme malsain par lequel on attend (sottement) une solution toute faite tombant miraculeusement du ciel. Du coup, par cette inertie, les autres Belges se sont imaginés qu’ici, dans nos rues, grouillent les "barakis", en petits groupes, vêtus de leurs trainings, CaraPils à la main. Un cliché qui peut se vérifier, certes, mais qui demeure un cliché!

    C’est surtout une voie vers l’émancipation qu’il faut emprunter, et le politique doit répondre présent en offrant les outils la favorisant. Hop hop hop, un peu de Carolo Positive Attitude.

    Depuis plusieurs années, existe une véritable volonté, tant politique que citoyenne, de remettre la première métropole wallonne sur les rails d’une prospérité égarée.

    Charleroi 2020 nous promet-on. C’est lent, très lent, à la lenteur d’un escargot. Et puis, c’est une tâche des plus pénibles que d’y croire et d’y croire encore lorsque les mauvaises nouvelles continuent à pleuvoir. Pourtant, il le faut. Beaucoup d’acteurs issus de la société civile ou encore du monde culturel en sont la preuve vivante. Ils ont de ces idées pour Charleroi qui leur viennent d’on-ne-sait-où et sont, à coup sûr, un des remèdes pour l’avenir carolo.

    Parmi les nombreux exemples, il y a l’idée INSIDE OUT/SMILE Charleroi du Bps22, sur le concept de l’artiste urbain français JR., qui va consister à afficher les bouilles souriantes de 500 citoyens carolos, en grand format, sur les façades des bâtiments de la ville. Un petit coup d’éclat (…de rire) pour cette ville que certains prétendent si sinistre.   

    Une fois la coquille noire ouverte, on découvre des perles de réussites à la carolorégienne à coté desquelles on ne peut pas passer. S’il est un exemple souvent repris, qui représente un atout, tant pour Charleroi que pour la région wallonne dans son ensemble, c'est celui de l’aéroport de Gosselies (vous savez, le fameux Brussels South Charleroi Airport) autour duquel gravite une myriade d’entreprises de pointe. Egalement, les Carolos ont inauguré, récemment, la rénovation de leur principale gare ou encore fêté l’épilogue heureux de la saga de leur métro léger. Des chantiers, des "succès"... 

    Au-delà de ces illustrations, il est de certains projets, en voie de concrétisation, qui ne retentissent pas assez, et qui pourtant méritent une attention dans tout le pays.

    Aujourd’hui, force est de constater qu’il n’y a d’yeux que pour Bruxelles, Anvers ou Liège. Et pourquoi pas pour Charleroi après tout? Les mauvaises langues répliqueront qu’il n’y a rien à faire au Pays noir. Triste réponse qui fait fi d’un collier de projets audacieux par lesquels le Charleroi de demain deviendra the town to be

    Vous ne me croyez pas? De toute manière, le Carolo que je suis ne manquera pas de vous rappeler qu'"y croire, c’est déjà un pas dans la bonne direction".

    Les projets Phénix et Rive gauche

    Bon nombre de Carolorégiens sont en effervescence autour de ces deux projets d’envergure. Le premier est public et le second privé. Leur point commun est qu’ils vont, radicalement, chacun à leur manière, métamorphoser le cœur de ville de Charleroi.

    Le souffle du Phénix portera sur une rénovation et une reconversion quasi complète de la ville, depuis les quais de la Sambre et la place Emile Buisset, en passant par la Place de la Digue, jusqu’aux hauteurs de l’hôtel de ville triomphant sur la place des jets d’eau. Les autorités publiques ont décidés de tout RE-VI-TA-LI-SER! Ce sont les voiries, les places, l’éclairage et le mobilier urbain qui sont astucieusement repensés et redessinés pour offrir aux Carolos un cadre de vie de qualité, étant entendu que la mobilité douce sera copieusement privilégiée. Le long de la Sambre, une Porte des Arts viendra animer les pittoresques rues du bas de la ville. Par ce biais, on peut imaginer le public réinvestir le centre ville et rendre le terreau plus fécond pour de futurs investissements privés.

    A la ville-basse, plus qu’ailleurs, le lifting était devenu nécessaire dans le dessein louable de rendre à ce haut-lieu de la bourgeoisie d’antan ses lettres de noblesse. D’autres sites de la ville ne sont pas en reste. Par ailleurs, pour les plus curieux, il est déjà possible de gravir la rue de la Montagne réaménagée dans le style "carolophénix".

    Le projet Rive gauche est quant à lui la plus-value privée apportée à la ville-basse. Il va insuffler une pointe d’élégance, imaginée entre les quais de la Sambre et la place Albert 1er. Un centre commercial, des logements de qualité, un espace hôtelier, des restaurants, des cafés et des bureaux: ce plan mixte urbain en voie d’exécution a pour objectif de rendre à cet endroit délaissé de la cité son âme commerçante de l’époque.

    Imaginé par Pierre Lallemand, architecte-styliste de renom, on peut souhaiter que cet ensemble bien pensé sera le fer de lance d’un centre-ville trop tristement laissé à l’abandon. Il est clair que les coups de crayon énergiques de l’architecte indiquent une vision claire du futur Charleroi: tout en promouvant l’empreinte historique, le bas de la ville ne ressemblera en rien à ce qu’il est aujourd’hui. Une illustration: la Place Albert 1er redeviendra une  "vraie" place piétonne (ouf!), mettant un terme au parking à ciel ouvert dans ce cœur de ville, présenté comme contre-exemple de modèle urbanistique dans les écoles d’architecture. 

    Et puis, la position stratégique du site n’est certainement pas étrangère à l’implantation du "Mall". C’est en effet vers lui que perleront les chalands provenant depuis la gare de Charleroi-Sud, du métro, de la gare de bus, ou encore du Ring. Sans oublier les voyageurs de l’aéroport que ces nouvelles infrastructures HoReCa pourraient capter. Le promoteur nous promet des enseignes inédites, incroyables, introuvables dans les autres villes belges. De quoi faire de "Charlyking new look" le nouveau lieu de pèlerinage des aficionados du shopping et autres fashionistas

    Sous réserve des craintes exprimées par bon nombre de Carolos de voir ce géant des affaires phagocyter le reste des petits commerces de la ville, ce projet vaut mieux que l’absence de tout projet.  

    Pour plus d’infos sur les deux projets: http://www.carolophenix.be et http://www.charleroirivegauche.be 

    L’hôtel de Police

    Un hôtel de Police flambant neuf pour Charleroi, signé Jean Nouvel, qui n’est autre que l’architecte d’édifices de renom tels que le Musée du Quai Branly et l’Institut du Monde Arabe, à Paris, ou encore la Tour Agbard, à Barcelone (excusez du peu). Sans doute, à l’avenir, les passionnés d’architecture passeront-ils par Charleroi pour contempler l’ouvrage?

    Lorsqu’on regarde Charleroi d’un peu plus haut (depuis le Ring par exemple), on se rend compte à quel point l’hétérogénéité architecturale inhérente à la ville permet aux architectes de s’accorder quelques extravagances. En l’occurrence, il s’agira, comme pièce maîtresse du projet, de la construction d’une tour de 75 mètres de haut, en forme de cylindre elliptique, habillée de pierres bleues.

    Le site abritant notamment l’ancienne caserne Defeld et les écuries de Charleroi Danses, au Boulevard Pierre Mayence, sera reconditionné en un espace public convivial, bordé, de part et d’autre, d’édifices rafraîchis, avec en son sein cette tour bleue. Créatif mais fonctionnel, le site a été en tout point conçu pour assurer le confort des fonctionnaires de police et susciter la curiosité des badauds.   

    Surprise et consécration! Le projet de Jean Nouvel et de MDW Architecture a été primé lors de la cérémonie annuelle du marché international des professionnels de l’immobilier (MIPIM), à Cannes, dans la catégorie "projets futurs". En lice avec, entre autres, deux projets bruxellois partant favoris (Midi-Suède et Lavoisier), c’est in fine l’audacieux hôtel de police carolorégien qui l’a emporté: un beau pied de nez aux Bruxellois… et NA!  

    Sur le sujet: http://www.charleroi.be/node/6813

    Quel avenir?

    Le redressement est annoncé… Mais la ville de Charleroi avait-elle vraiment le choix?

    Lorsqu’un papier hollandais qualifie Charleroi de "plus laide ville au monde", c’est "bête et méchant", et, somme toute, ça n’apporte rien. Mochélan, slameur, en chantant Charleroi, nous rappelle à juste titre qu’"on oublie que le beau port, c’est à Zeebrugge qu’on l’a construit"! Charleroi semble avoir donné beaucoup mais ne pas avoir reçu grand-chose. "L’argent?" Il est parti sous de meilleurs cieux. Néanmoins, ils ont bien voulu nous laisser leurs noires collines et leurs cheminées.

    Direction 2020. Les politiques carolos ont, semble-t-il, pris la mesure des enjeux et des défis futurs et espèrent inscrire Charleroi dans une évolution rapide, peut-être même trop rapide. Au-delà de cette volonté, il faut que nous, citoyens, prenions conscience des atouts de notre ville, apprenions à les promouvoir et à faire fi des mauvaises critiques. En ce sens, les mentalités devront changer et dire: Je suis Carolo et j’en suis fier! 

    Charleroi devrait (pourquoi pas) prendre exemple sur les réussites d’autres villes comme Lille, Liverpool ou encore New York, où des ghettos et des chancres se sont convertis en quartiers d’artistes underground très populaires. Incorporer "plus d’arts, pour tous" dans notre ville est à mon sens la clé d’un "come back" réussi. 

    Ce pays noir, on va le recolorer ensemble, et demain les hommes d’affaires, les touristes, les investisseurs et les artistes se (ré)approprieront la Cité Dorée.

    Moi, j’y crois. Car Charleroi, c’est d’abord un état d’esprit. 

    Jean-Noël Gillard

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